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HARANGUE DE DÉMOSTHÈNE SUR LA COURONNE.

suader ou les tromper. Que fait-il donc ? Admirez son adresse. Il entreprend de susciter une guerre aux amphictyons, et de semer le trouble dans leurs assemblées, bien assuré de les forcer par-là de recourir à lui. Il sentait encore que, si dans cette intrigue il employait l’entremise de quelqu’un de ses députés [58] ou de ses alliés, les Thessaliens et les Thébains, s’apercevant du piège, pourraient se tenir sur leurs gardes ; mais que, si l’avis partait d’un Athénien, de quelqu’un de chez vous qui étiez ses rivaux, il cacherait aisément sa marche. Son but était sûr : comment y parvint-il ? Il prend Eschine à ses gages ; celui-ci, sans que personne parmi nous, comme c’est assez l’ordinaire, en craignît ou prévînt les suites, avait été nommé pylagore par les brigues de trois ou quatre factieux. Il ne se fut pas plutôt rendu à l’assemblée des amphictyons avec le titre honorable de représentant des Athéniens, qu’oubliant et négligeant tout le reste, il ne s’occupa que de l’objet pour lequel il était payé. Par ses beaux discours, par des fables inventées avec art et débitées avec emphase, pour faire croire que la campagne Cirrhée était consacrée aux dieux, il trompa aisément les députés des autres peuples, qui ne se défiaient pas de ses artifices, et qui ne voyaient rien dans l’avenir ; il leur fit décider qu’on visiterait la campagne que les Locriens d’Amphisse cultivaient comme étant de leur domaine, et qu’il prétendait faire partie du