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HARANGUE DE DÉMOSTHÈNE SUR LA COURONNE.

me soupçonnaient de lui intenter, par inimitié personnelle, une accusation chimérique. Écoutez donc aujourd’hui, puisqu’alors on vous empêchait de l’entendre, écoutez quelle fut la nature, le but et le dénouement de ces intrigues. Je vais vous mettre sous les yeux un projet bien concerté, vous instruire sur l’histoire de ces tems-là, et vous apprendre quelle était la politique de Philippe.

Pour se délivrer de la guerre que lui faisait Athènes, ce prince n’avait qu’un moyen ; c’était de soulever contre elle Thèbes et la Thessalie. Quoique supérieur à vos généraux aussi malheureux que mal habiles, il avait à souffrir de la guerre même et des courses de vos armateurs. Il ne pouvait ni faire entrer les productions des autres pays, ni faire sortir les siennes. Moins fort que vous sur mer, il ne lui était pas possible de passer dans l’Attique, à moins que les Thessaliens ne le suivissent dans son expédition, et que les Thébains ne lui en livrassent le passage. Quels que fussent vos généraux ( je n’en dis rien ici ), et quel que fût le succès de ses armes, il se trouvait gêné par la position des lieux et les avantages réciproques des deux républiques [57]. Il faisait réflexion que, s’il conseillait aux Thessaliens et aux Thébains de marcher contre vous par le seul motif d’une haine particulière, ils ne l’écouteraient pas ; mais il espérait, qu’en se faisant élire général, sous prétexte de défendre la cause commune, il pourrait plus aisément les per-