Page:Démosthène - Œuvres complètes, Auger, 1820, tome 5.djvu/369

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
359
HARANGUE DE DÉMOSTHÈNE SUR LA COURONNE.

l’exécution à son gré, vous tracez, de fantaisie, le portrait du vrai républicain [46] : comme si le vrai républicain se faisait connaître par des paroles et non par des actions. Ce n’est pas tout : vous criez comme un furieux, vous vomissez des torrens d’injures, qui vous conviennent à vous et aux vôtres plus qu’à moi.

Au reste, Athéniens, je pense que l’invective est très-différente de l’accusation. L’accusation doit former un corps de délits soumis à l’animadversion des lois : l’invective n’est qu’un tissu d’injures, que des ennemis se renvoient, en suivant leur humeur. Aussi, je crois que ces tribunaux ont été érigés par nos ancêtres, non pour que, vous y rassemblant, après vous avoir arrachés à vos affaires domestiques, nous nous déchirions devant vous, les uns les autres, par des invectives sanglantes ; mais pour que, si quelqu’un a trahi les intérêts de l’état, nous le convainquions de ses crimes par des preuves solides. Instruit de ces vérités aussi bien que moi, Eschine a mieux aimé invectiver qu’accuser.

Or, comme il ne serait pas juste d’être en reste avec lui, même pour cet article, je tâcherai de le satisfaire, après lui avoir fait cette seule question : Eschine, devait-on vous nommer l’ennemi de la république, ou le mien ? Le mien, direz-vous, sans doute. Cependant, lorsque vous pouviez, si j’étais coupable, me poursuivre devant les tribunaux où je rendais mes comptes, devant ceux où j’étais