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HARANGUE DE DÉMOSTHÈNE SUR LA COURONNE.

Que devais-je proposer dans la ville d’Athènes ? La circonstance du lieu n’est pas indifférente. Je savais que, dans tous les tems, jusqu’au moment où je montai à la tribune, ma patrie avait toujours combattu pour l’honneur et pour la prééminence ; qu’elle avait sacrifié plus d’hommes et d’argent, par un motif de gloire et pour l’intérêt de tous les Grecs, que les autres Grecs n’en avaient fourni, chacuns pour eux-mêmes. Je voyais le Macédonien, notre adversaire, braver les périls, pour étendre son empire et sa domination ; je le voyais, un œil de moins, l’épaule rompue, la main et la cuisse estropiées[1], abandonner, sans regret, à la fortune, telle partie de son corps qu’elle voudrait prendre, pourvu que le reste vécût plein d’honneur et de gloire. Qui oserait dire, cependant, qu’un Barbare, élevé dans Pella, ville jusqu’alors obscure et méprisée, dût avoir une opinion de lui-même assez haute pour désirer, pour espérer de commander aux Grecs ; et que les Athéniens, à qui la tribune et le théâtre offrent, tous les jours, des exemples de la vertu de leurs ancêtres, dussent avoir des sentimens assez bas, pour aller, d’eux-mêmes, livrer à Philippe la liberté de la Grèce ? Non, on n’oserait le dire.

Il ne vous restait donc qu’un parti, et un parti

  1. Philippe eut l’œil droit crevé d’un coup de flèche au siège de Méthone ; dans une bataille livrée aux Triballes, il fut blessé à la cuisse, et eut un cheval tué sous lui. Il reçut sans doute encore, dans d’autres circonstances, des blessures dont les historiens ne parlent pas. — Qu’un Barbare. Les Grecs traitaient de Barbares tous les peuples qui n’étaient pas Grecs. La plupart d’entre eux traitaient de Barbares les Macédoniens même, quoique les rois de ceux - ci prétendissent descendre d’Hercule par Caranus.