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HARANGUE DE DÉMOSTHÈNE SUR LA COURONNE.

vendus eux-mêmes les premiers. Au lieu des noms d’hôtes et d’amis qu’ils recevaient avec l’or de Philippe, on leur donne à présent les noms de flatteurs, d’ennemis des dieux, et d’autres qui leur conviennent. Car, Athéniens, ce n’est pas pour l’intérêt du traître qu’on dépense son argent, et l’on n’a garde de le consulter, dès qu’on se voit maître de ce qu’il a vendu : autrement, y aurait-il un sort plus heureux que celui d’un traître ? Mais non, il n’en est pas ainsi, il s’en faut bien : pourquoi ? En devenant maître des villes, l’usurpateur le devient aussi des perfides qui lui en ont ouvert les portes ; et c’est alors, oui, c’est alors qu’il les déteste, parce qu’il connaît leur scélératesse ; c’est alors qu’il n’a pour eux que de la défiance et du mépris : voici des faits qui le démontrent. Quoique les événemens soient passés, ils doivent être toujours présens aux yeux du sage qui veut s’instruire. On appelait amis de Philippe, Lasthène[1], jusqu’à ce qu’il eût livré Olynthe ; Timolaüs, jusqu’à ce qu’il eût perdu Thèbes ; Eudicus et Simus, tous deux de Larisse, jusqu’à ce qu’ils eussent trahi les Thessaliens ; mais bientôt toute la terre a été pleine de traîtres chassés de leurs villes et accablés d’outrages. Et que n’ont-ils pas eu à souffrir ? Que sont devenus Aristrate à Sicyone, Périlas à Mégares ? N’y traînent-ils pas leur vie dans l’opprobre ? Il n’en faudrait pas davantage pour se convaincre que le citoyen qui défend sa patrie avec le

  1. Lasthène, Timolaüs, Eudicus, Simus, Aristrate, Périlas, tous citoyens de différentes villes, dévoués au roi de Macédoine, qui lui livrèrent quelques parties de la Grèce, mais qui n’eurent pas à se louer de leur trahison. Il y a une particularité sur Lasthène. Il avait livré à Philippe Olynthe, sa patrie. Appelé traître par les soldats même de ce prince : Ne prends pas garde, lui dit ce monarque, à ce que disent des hommes grossiers, qui nomment chaque chose par son nom.