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HARANGUE DE DÉMOSTHÈNE SUR LA COURONNE.

lippe a passé les Thermopyles : tout ira selon vos désirs, si vous vous tenez en repos ; et vous apprendrez, dans deux ou trois jours, qu’il est devenu l’ami de ceux dont il paraissait l’ennemi, et l’ennemi de ceux dont il se disait l’ami. Il ajoutait d’un ton grave et sentencieux, que ce n’étaient point les paroles qui cimentaient les amitiés, mais l’unité d’intérêts : or, que c’était également l’intérêt de Philippe, celui des Phocéens et le vôtre, d’abattre au plus tôt l’orgueil insupportable des Thébains. Plusieurs écoutaient ces discours avec plaisir, par la haine qu’on portait alors à ce peuple : mais qu’arriva-t-il quelques jours après ? Les malheureux Phocéens furent perdus sans ressource, leurs villes furent rasées ; vous, qui vous endormiez sur la foi de ce traître, vous désertâtes bientôt la campagne et transportâtes vos effets dans la ville ; Eschine reçut de l’argent. Ce n’est pas tout ; les Thébains et les Thessaliens, mécontens d’Athènes, surent gré à Philippe de ses succès et de ses conquêtes.

Je ne veux rien avancer sans preuve : greffier, lisez-nous le décret de Callisthène[1] et la lettre de Philippe ; ces deux pièces prouveront la vérité de ce que j’avance.

Décret.

Sous l’archonte Mnésiphile, le vingt et unième jour du mois de Décembre, dans une assemblée

  1. Callisthène, citoyen d’Athènes, qui se mêlait du gouvernement. — Plus bas, dans une assemblée extraordinaire. On distinguait à Athènes deux sortes d’assemblées, les unes ordinaires, les autres extraordinaires. Les premières étaient convoquées par les seuls prytanes, à des jours et pour des sujets marqués. Les dernières se convoquaient tantôt par les prytanes, tantôt par les généraux, et n’avaient de sujet, qu’autant que les occasions leur en donnaient. — Les prytanes étaient les cinquante sénateurs qui étaient en tour de présider, et qui seuls avaient le droit de convoquer les assemblées du peuple. — On élisait dix généraux tous les ans ; chacune des dix tribus en élisait un ; ils commandaient chacun leur jour ; chaque général de jour exerçait la charge de généralissime. Les généraux commandaient les armées, et ils étaient dans la ville comme ministres de la guerre.