Page:Démosthène - Œuvres complètes, Auger, 1820, tome 5.djvu/274

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
264
HARANGUE DE DÉMOSTHÈNE SUR LA COURONNE.

si je trahissais l’état ; car, sans doute, un homme qui accuse Ctésiphon, uniquement pour me nuire, n’eût pas manqué de m’accuser moi-même, s’il eût cru pouvoir me convaincre. Supposé donc qu’il me vît commettre quelqu’un des crimes qu’il me reprochait tout-à-l’heure, ou quelque autre, il est des formes établies pour la poursuite des coupables, et des tribunaux qui infligent les peines les plus sévères. Eschine pouvait me poursuivre selon ces formes, m’attaquer devant ces tribunaux ; et, par là, il aurait mis les juges à portée de confronter les imputations avec les faits. Mais comment procède-t-il ? Il fuit la voie la plus simple et la plus droite, et, craignant d’être convaincu par les faits mêmes, encore récens, il vient, long-tems après, accumuler à plaisir les inculpations diffamantes, les sarcasmes, les invectives, jouer une comédie. Enfin, c’est à moi qu’il en veut, et c’est Ctésiphon qu’il accuse. Toute son accusation respire la haine qu’il me porte ; et, malgré cette haine, il ne m’a jamais attaqué ; mais, pour me perdre, il cherche à en diffamer un autre, qu’il serait facile de tirer d’embarras. En effet, Athéniens, si l’on voulait défendre Ctésiphon, on pourrait se contenter de dire qu’Eschine et moi nous devions vider ensemble les débats d’une animosité mutuelle, sans nous jeter sur un tiers, et lui porter des coups qui ne devaient tomber que sur nous seuls ; car c’est le comble de l’injustice.