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SUR LA COURONNE.


férent des deux orateurs, et en partie, je crois, de la différence de leurs causes. La cause d’Eschine était aussi mauvaise, que celle de Démoslhène était bonne. Il attaque principalement le ministère de Démosthène, lui dont la conduite n’était pas, à beaucoup près, irréprochable (i) ; il représente cet orateur comme un citoyen perfide, rendu à Philippe et aux autres ennemis de létat ; et Démosthène, suivant le témoignage de toutes les histoires, était le ministre le plus incorruptible (2), le plus zélé, le plus infatigable qu’avaient eu les Athéniens, et surtout le plus fier ennemi de Philippe et son adversaire le plus terrible. L’éloquence de Démosthène était le plus grand obstacle à ses projets ambitieux. Lui seul valait à sa ville des armées entières. Philippe lui-même rendait justice à ce républicain redoutable, en l’appelant l’unique rempart d’Athènes : et on ne peut trop blâmer Eschioe de s’être laissé aveugler par la haine, jusqu’à prostituer son éloquence à la calomnie, et à la calomnie la plus révoltante. Démosthène l’emporte donc autant sur Eschine pour la bonté de la cause, que pour la force du discours.

Et qu’on ne s’imagine point, d’après cela’, ou que Démosthène n’ait eu aucune peine à gagner sa cause, qu’il n’ait pas eu besoin de toute son éloquence ; ou qu’Eschine

(i) Eschine était un de ces ministres peu scrupuleux, qui s’étaient laissé gagner par l’or de Philippe, et qui, secrètement, favorisaient see desseins.

(2) Du moins vis-à-vis de Philippe, car il recevait volontiers les piésens de Darius. Il est vrai qu’alors son amour pour l’argent, qu’on lui a reproché, se trouvait d’accord avec son amour pour la patrie, qu’on ne peut lui disputer. Les intérêts de Darius et des Athéniens étaient les mêmes. Philippe voulait marcher contre le roi de Perse après avoir asservi la Grèce.