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SUR LA COURONNE.

Millot, dont j’estime d’ailleurs infiniment les talens littéraires : laissant donc ce qui les regarde, et ne parlant plus de moi, je rais parler des deux harangues, en donner le sujet et le sommaire.

Eschine ne devait voir qu’avec peine un orateur tel que Démosthène, sans lequel il aurait primé dans sa ville. Il ne fut d’abord que son rival ; la rivalité est bien près de la jalousie, et la jalousie touche à la haine : il devint bientôt son ennemi irréconciliable, surtout quand il l’eut accusé d’avoir prévariqué dans une ambassade vers Philippe. Sa jalousie et sa haine, quelque tems assoupies, se réveillèrent et éclatèrent après la bataille de Chéronée (i), lors qu’on proposa de décerner à Démosthène une couronne d’or : récompense honorable dont on payait les services de ceux qui avaient bien mérité de la république. Démosthène avait été chargé de la réparation des murs (2). La somme qu’on lui avait remisé ne s’étant pas trouvée assez forte, il y suppléa généreusement, sans se faire tenir compte de ce qu’il avait ajouté. Un citoyen d’Athènes, nommé Ctésiphon, proposa un décret, en vertu duquel on devait lui décerner une couronne d’or, comme à un bon citoyen qui avait fait un présent à l’état, qui l’avait toujours bien servi, et qui était toujours disposé à le bien servir. Eschine, ne pouvant souffrir l’honneur et les éloges décernés à un rival odieux, attaqua le décret comme contraire aux lois ; il accusa Ctésiphon comme les ayant violées en trois chefs : premièrement, parce qu’il avait proposé de couronner

(1) Chéronée, ville de Béotie, près de laquelle Philippe remporta sm les Athéniens une victoire qui le rendit maître de la Grèce.

(2} On craignait que Philippe Tainqueur ne vînt attaquer Athènes, dont il n’était pas éloigné ; on voulait donc, eo fortifiant ses murs, la mettre en état de lui résifter co cas d’attaque.