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TROISIÈME PHILIPPIQUE.

tout à la fois être paisibles possesseurs de nos états et devenir les arbitres des états voisins, dans ce même temps, dis-je, nous avons laissé envahir notre propre territoire, nous avons dépensé, sans aucun fruit, plus de quinze cents talens(14), perdu pendant la paix les alliés que nous nous étions faits pendant la guerre ; enfin nous avons formé nous-mêmes contre nous l’ennemi le plus redoutable : je dis, nous-mêmes ; et si quelqu’un pensait que ce n’est pas nous qui avons agrandi Philippe, qu’il se lève, et nous apprenne une autre cause de cet agrandissement.

Mais, dira-t-on, si les affaires vont mal au dehors, elles vont beaucoup mieux au dedans ; et quelle preuve peut-on en donner ? Des crénaux reblanchis, des chemins réparés, des fontaines, et autres bagatelles semblables ? Mais tournez vos regards sur les hommes à qui vous devez ces beaux monumens de leur administration ; les uns ont passé de la misère à l’opulence, les autres de l’obscurité à la splendeur ; d’autres enfin se sont bâti des maisons particulières plus magnifiques que les édifices publics : car plus la fortune de l’État est diminuée, plus la leur s’est accrue.

Quelle est la cause d’un tel désordre ? Pourquoi tout allait-il si bien autrefois, et va-t-il si mal aujourd’hui ? Je dirai d’abord que le peuple, ayant autrefois le courage de se mettre lui-même en campagne, tenait les magistrats dans sa dépendance, disposait souverainement de toutes les