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PREMIÈRE PHILIPPIQUE.

niens, de vous tromper vous-mêmes, et, en différant tout ce qui vous rebute, de ne jamais rien faire qu’après coup, sans vouloir enfin comprendre que la manière de bien conduire une guerre, ce n’est pas de suivre, mais de précéder les événemens : ainsi qu’un général marche à la tête des troupes, de même un bon politique doit marcher à la tête des affaires, afin d’être toujours le maître d’agir suivant sa volonté, sans être jamais obligé de se traîner à la suite des événemens.

Pour vous, Athéniens, quoique supérieurs à tous les autres peuples de la Grèce en infanterie, en cavalerie, en vaisseaux et en revenus, il est certain que, jusqu’à ce jour, vous n’avez employé à propos aucun de tous ces avantages, et que vous n’avez été au devant d’aucun événement. Vous faites la guerre à Philippe de la même manière que les Barbares se battent au pugilat : lorsqu’un de ces grossiers athlètes reçoit un coup, il porte aussitôt la main à l’endroit où il est frappé ; le frappe-t-on dans un autre, il y porte la main encore ; mais de prévenir son adversaire, ou de parer ses coups, c’est ce qu’il ne sait pas, c’est ce qu’il ne veut pas faire. Vous pareillement, si l’on vous dit que Philippe est dans la Chersonèse, vous décrétez l’envoi d’un secours dans la Chersonèse ; si l’on vous dit qu’il est aux Thermopyles, vous décrétez l’envoi d’un secours aux Thermopyles ; s’il va d’un autre côté, vous suivez tous ses pas à droite et à gauche ; vous faites la guerre sous sa conduite ;