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PRÉLIMINAIRE.

seul veut en persuader plusieurs, les déterminer sur-le-champ, dans une conjoncture plus ou moins importante, à agir ou à ne pas agir, à rendre un jugement contraire ou favorable.

Le discours est une conversation ; il doit être, comme celle-ci, familier, naturel, simple, agréable, facile, clair, raisonnable, vif et animé. Mais c’est une conversation d’un seul avec plusieurs, qui attendent d’un seul homme, qu’ils viennent tous écouter en silence, quelque chose au-dessus du commun ; il doit donc être en même temps noble, soutenu, harmonieux, grand quelquefois et sublime, mais s’éloignant toujours, le moins qu’il est possible, de la simplicité piquante d’une conversation ordinaire.

D’après ces idées, je dis que le Français trouve

    personnes auxquelles on parle. Pour s’en convaincre, qu’on examine le prédicateur. Quel est le discours par lequel il produit plus d’effet sur ceux qui l’écoutent ? Est-ce celui dans lequel il exprime avec force des vérités grandes et sublimes, mais vagues et générales ? non ; mais celui dans lequel il converse en quelque façon avec ses auditeurs. Soit qu’il parle à des hommes de la cour, à des habitans des villes ou des campagnes, ou même à des enfans, il faut qu’il s’adresse aux personnes, qu’il converse avec elles, qu’il les entretienne d’elles-mêmes. On dit quelquefois, cet orateur a l’esprit trop relevé pour un tel auditoire : on doit dire, il n’est point assez éloquent. Un orateur vraiment éloquent doit savoir parler à tous les auditeurs, quels qu’ils soient, le langage qui leur convient.