Page:Démosthène - Œuvres complètes, Auger, 1819, tome 1.djvu/393

Cette page a été validée par deux contributeurs.
377
PREMIÈRE PHILIPPIQUE.

qu’il fut un temps où nous étions les maîtres de Pydne, de Potidée et de Méthone, et de toute cette vaste enceinte de pays adjacens. Rappelez-vous que plusieurs des peuples qui combattent maintenant avec Philippe, se gouvernaient alors par leurs propres lois, jouissaient d’une entière indépendance, et recherchaient beaucoup plus notre amitié que la sienne. Si donc Philippe eût alors raisonné comme vous faites aujourd’hui, s’il eût regardé les Athéniens comme redoutables, en les voyant maîtres de toutes les places fortes qui commandent son pays, et en se voyant lui-même sans alliés, il n’eût jamais rien entrepris de tout ce qu’il a exécuté ; jamais il ne se fût élevé à ce haut degré de puissance : mais il savait très-bien que toutes ces places étaient autant de prix exposés aux yeux des combattans et destinés au vainqueur[1] ; il savait que, selon le cours ordinaire de la nature, les absens sont dépouillés par les présens, et ceux qui fuient les dangers et les travaux, par ceux qui les affrontent. C’est en suivant de telles maximes, qu’il a tout subjugué, tout envahi ; qu’il règne partout, ici à titre de conquérant, là sous le titre d’ami et d’allié : car on recherche l’alliance et l’amitié de ceux que l’on voit toujours préparés et résolus à faire ce qu’exigent les circonstances.

  1. Métaphore empruntée des jeux où l’on étalait les prix aux yeux des athlètes pour animer leur ardeur :
    Medio potuit Deus omnia campo. Lucain.