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PRÉLIMINAIRE.

celle qui fait tourner sur-le-champ les volontés des autres, qui sait ou par la force ou par l’adresse d’une éloquence simple et naturelle, les amener où elle veut, les faire agir ou penser suivant ses désirs et ses intérêts.

On trouvera encore fort étrange que, tous les maîtres de rhétorique ayant toujours distingué trois genres d’éloquence, le délibératif, le judiciaire et le démonstratif, je n’admette que les deux premiers, je paraisse rejeter le troisième. Je ne rejette pas le genre démonstratif, mais je crois qu’il est moins un genre de l’éloquence proprement dite, qu’un des moyens qu’elle emploie pour réussir. Il comprend la louange et le blâme ; l’orateur emploie souvent l’un et l’autre pour déterminer ses auditeurs. Par exemple, le discours pour la loi Manilia est presque tout entier à la louange de Pompée ; je ne crois pas qu’il cesse pour cela d’être dans le genre délibératif. Cicéron ne fait le plus grand éloge de Pompée que pour déterminer le peuple romain à le nommer général dans la guerre contre Mithridate[1].

Enfin, on pourra m’objecter que, par mes principes, je réduis à bien peu de chose l’éloquence

  1. Ce n’est point par un esprit de singularité, mais par conviction, que j’ai adopté un système particulier sur l’éloquence. Je lisais Fléchier et Bossuet ; je trouvais, surtout dans Bossuet, une éloquence pompeuse et magnifique, une foule d’idées sublimes, de sentimens élevés, d’images fortes et