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PRÉLIMINAIRE.

principal de l’orateur dans les genres délibératif et judiciaire.

Les Grecs, et surtout les Athéniens, qui certainement connaissaient la nature et le vrai but de l’éloquence, étaient si convaincus de la vérité des principes que je viens d’établir, qu’ils n’appelaient orateurs que ceux qui, comme Eschine et Démosthène, entreprenaient de déterminer le peuple sur-le-champ, dans des occasions importantes : les autres étaient appelés philosophes ou sophistes[1], quoiqu’ils composassent et débitassent des discours sur toutes sortes de sujets physiques, moraux et politiques.

On me comprendrait mal, sans doute, si l’on pensait que par ma définition je restreins l’empire de l’éloquence. Je lui rends peut-être plus que je ne semble lui ôter : j’enferme dans son ressort toutes les circonstances publiques et particulières,

  1. Sophiste avait été d’abord un titre honorable ; il vient de sophos qui signifie un homme sage, instruit, éclairé : on le donnait à des savans qui pouvaient parler en beaux termes de toutes les sciences utiles. Mais il commença à s’avilir dès le temps de Philippe, et bientôt on ne regarda plus qu’avec mépris ces sortes de charlatans qui couraient de ville en ville pour faire parade d’érudition, pour trafiquer d’éloquence et de philosophie. Nous appelons chez nous sophistes ceux qui cherchent à faire illusion par de vaines subtilités et par des discours captieux. Cicéron, dans son traité de l’orateur, nomme sophistes ceux qui parlent, uniquement pour plaire, sur des sujets quelconques.