Page:Démosthène - Œuvres complètes, Auger, 1819, tome 1.djvu/34

Cette page a été validée par deux contributeurs.
18
DISCOURS.

réjouissances ordinaires. On sait combien le peuple tient à ces joies profanes qu’il croit consacrées par la piété. Saint Augustin entreprit de corriger cet abus, de faire renoncer le peuple d’Hippone à un ancien usage auquel il était fortement attaché. Il épuisa toutes les ressources de son éloquence ordinairement victorieuse. Il parla trois fois, avec tout le feu et toute l’onction dont il était capable, et ne réussit que la troisième. Il ne fît d’abord qu’ébranler ses auditeurs ; dans un second discours, il les toucha sans les changer. Il désespérait de pouvoir réussir. Il fit cependant un nouvel effort, et, revenant pour la troisième fois à la charge, il employa avec tant d’art la douceur et la force, le sublime et le pathétique, qu’il obtint ou plutôt qu’il arracha leur consentement avec leurs larmes : et ce succès est justement regardé comme le triomphe de son éloquence. Il n’avait pas alors néanmoins de plus grandes vérités à annoncer, mais il avait à déterminer, dans une circonstance précise, des volontés fortes et opiniâtres. Il fallait alors non pas simplement instruire des hommes disposés à se laisser instruire, mais amener où il voulait des cœurs obstinés, attachés, par inclination et par habitude, à des divertissemens criminels qu’ils croyaient innocens.

L’éloquence proprement dite, l’éloquence oratoire, consiste donc à déterminer dans un moment précis les volontés des hommes, à les amener où l’on veut par la force de la parole ; et c’est là le but