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DISCOURS.

parties saillantes et remarquables. Mais, quelques moyens qu’elle mette en œuvre, son but ne change jamais, il est toujours le même ; il est toujours vrai de dire que l’éloquence est l’art de persuader par le discours, de déterminer sur-le-champ les volontés. Pourquoi ajouté-je sur-le-champ ? n’est-ce pas resserrer l’éloquence dans des bornes trop étroites ? c’est plutôt, à ce qu’il me semble, en donner une idée plus précise et moins vague, qui empêche qu’on ne la confonde avec ce qui n’est pas elle. Un philosophe qui disserte sur des matières importantes, soit qu’il emploie le raisonnement pur, soit qu’il y mêle les images et les sentimens, a pour but de déterminer ceux qui l’entendent ou qui le lisent ; mais ce n’est pas une détermination subite qu’il se propose pour l’ordinaire : c’est une détermination plus lente, mais plus durable, une détermination, pour ainsi dire, irrévocable ; et c’est en quoi il diffère de l’orateur[1].

D’après la définition que j’ai donnée de l’éloquence, je ne regarde comme éloquence propre-

  1. Puisque la détermination que produit l’orateur est une détermination subite, un orateur habile est donc un homme dangereux, s’il n’a beaucoup de probité et de droiture. Plus il a de talent, sans être essentiellement honnête homme, plus il peut faire illusion et déterminer ceux qui l’écoutent contre la vérité et la justice. Aussi Quintilien, ce rhéteur sensé, demande avant toute chose, que l’avocat soit honnête homme et reconnu pour tel.