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AVERTISSEMENT.

me charger de l’ambassade ; ni de me charger de l’ambassade sans persuader les Thébains ; mais depuis le commencement jusqu’à la conclusion de cette affaire, je fis tout ce qui pouvait en assurer le succès, et je me livrai sans réserve à tous les périls dont la république était environnée. »

On voit que j’ai traduit littéralement, et sans rien changer à l’ordre des mots grecs, et voici mes raisons : Démosthène se sert ici de la figure appelée gradation en termes de rhétorique. La gradation, dit Cicéron, est une figure où l’on monte d’un mot à l’autre, de telle sorte que le sens croît et se fortifie, comme dans celle-ci :

« Non sensi hoc et non suasi, neque suasi et non statim ipse facere cœpi, neque facere cœpi et non perfeci neque perfeci et non probavi.

Cicéron ajoute que la répétition du mot précédent donne beaucoup de force à cette figure. Or, cette répétition ne peut se conserver que dans une traduction littérale ; autrement elle disparaît, et avec elle la figure ; comme dans cette traduction de Laharpe :

« Il fallait un décret, je le rédigeai ; le décret ordonnait une ambassade vers les Thébains, je m’en chargeai ; l’objet de l’ambassade était de leur persuader qu’ils devaient oublier toute division et se réunir à vous ; je les persuadai[1]. Eh bien, Eschine, quel fut ton rôle ce jour-là ?

On ne retrouve, dans cette traduction, que le fonds de la pensée de Démosthène : on retrouve dans l’autre, non-seulement la pensée, mais encore la forme sous laquelle l’orateur la présente ; et ce sont précisément ces

  1. Le lecteur aura remarqué sans doute une faute plus grave dans cette traduction de Laharpe ; il a négligé absolument de traduire ce membre de phrase si essentiel ἀλλ' ἀϖὸ τῆς ἀρχῆς διὰ ϖάντων, etc., etc., lequel est le complément nécessaire de la phrase.