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Mais les Pauvres n’ayans pas le moyen d’élever ainsi leurs enfans ; ils les laissent dans l’ignorance de leurs obligations : le soin qu’ils ont de vivre, fait qu’ils oublient celui de leur faire apprendre à bien vivre, & eux-mêmes ayant été mal élevez, ils ne peuvent communiquer une bonne éducation qu’ils n’ont jamais euë ; Outre que le desordre dans lesquels la pluspart de ces Peres ont vécu pendant leur jeunesse, fait qu’ils se soucient fort peu, que leurs enfans aprennent les bonnes mœurs, & les Devoirs du Christianisme qu’ils ignorent.

Les Parrains qui devroient supléer à ce manquement, ne connoissans pas leurs obligations, n’en tiennent pas plus conte que leurs peres : ainsi l’on voit avec un sensible deplaisir que cette éducation des enfans, du pauvre peuple est totalement negligée, quoy qu’elle soit la plus importante de l’État, dont ils sont le plus grand nombre, & qu’il soit autant & méme plus Necessaire, d’entretenir pour eux des Ecoles publiques, que des Collèges pour les enfans d’honnête famille.

De ce peu de soin qu’on a d’élever les jeunes gens, s’ensuit la prodigieuse ignorance de Dieu, qu’ils sont neanmoins obligez de connoître, d’aimer & de servir, s’ils veulent avoir part en son Royaume. Mais comment le connoîtront-ils ? S’ils n’ont des Maîtres qui les instruisent. Comment les Maîtres les instruiront-ils ? si quelqu’un ne les entretient. Qui les entretiendra ? si le corps de Ville, les Curez & Marguilliers de chaque Parroisse n’entreprennent cette dépence ?

Peut-être que quelqu’un voudroit dire que les jeunes gens pourroient recevoir cette connoissance par les Sermons & Catechismes qui se font dans les Parroisses : Mais comme plusieurs ne les frequentent point, & que ceux qui y assistent n’en profitent aucunement, soit parce que la pluspart des instructions qui s’y font, sont au dessus de leur portée, soit à cause que la semence Divine qui s’y jette, est souvent étoufée par la corruption de la nature, & les mauvaises compagnies qu’ils frequentent dés qu’ils en sont dehors ; ainsi les pauvres ne peuvent par cette voye quitter l’ignorance où ils croupissent, & satisfaire à cette obligation d’aimer & servir Dieu, dont le Fils a cheri si tendrement l’État d’enfance, & par lequel il a bien voulu commencer le Mystere de nôtre Redemption.

Si bien qu’aprés tant de bienfaits que les hommes ont receus, & qu’ils reçoivent encore en leurs bas âge, aprés le commandement exprés d’un Dieu, qui exige qu’on lui offre les premices des années aussi bien que des fruits, il ne faut pas s’étonner s’il châtie si severement ceux qui manquent à ce devoir ; Si l’on voit la perte de tant de belles esperances dans les uns, la mort précipitée dans les autres ; tous ces malheurs n’ont autre source, sinon la mauvaise instruction de la jeunesse ; Qui est encore cause du peu de sentiment de la vertu dans le bas âge, de l’estime du vice dans l’âge viril, de l’endurcissement et impenitence finale dans la vieillesse.

Si ce defaut de bonne instruction est cause que l’on peche contre les Devoirs que l’on doit rendre à Dieu, il prejudicie encore beaucoup au public et particulier qui le composent.