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même la moitié de mon royaume, et je te satisferai. »

Le philosophe répondit : « Puisque je trouve grâce à tes yeux, ô roi, pour pouvoir formuler ma demande, je place devant toi la table de ce jeu, qui est composé de 64 cases. Ordonne à présent à un de tes serviteurs qui sont préposés aux trésors de blé de placer sur la première case un grain de blé, sur la deuxième deux grains, sur la troisième quatre grains, et ainsi de suite sur chaque case le double de ce qui était sur la précédente, jusqu’à ce que toutes les cases soient parcourues, et ce sera ma récompense. »

En entendant les paroles de ce sage, le roi s’indigna contre lui, et le méprisa dans son cœur en lui disant : « Tu parles comme un insensé. Ne puis-je donc pas te combler de grands honneurs ? Car tu me demandes une chose des plus minimes. Tu ressembles à ceux qui jettent leur mépris sur les princes, ou plutôt sur le roi ; ta demande est celle d’un fou. » Le sage répondit : « Je vous en supplie, ne vous irritez pas contre votre esclave. J’ai fait une demande à mon souverain, et je la réitère. Vous me comblerez en me l’accordant. Si c’est trop peu, vous pouvez mettre le double. » Alors le roi, voyant qu’il ne pouvait pas le vaincre, ordonna au préposé à la garde de ses trésors de faire selon ce qui était demandé. Mais, quand celui-ci arriva à calculer les grains de blé comme l’avait proposé le sage, il en trouva une telle quantité