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qui n’est autre que la question d’émancipation de l’être humain des deux sexes.

Est-il vraiment possible, célèbre publiciste, que sous votre peau de lion se trouve tant d’ânerie ?

Vous qui avez dans les veines de si puissantes pulsations révolutionnaires pour tout ce qui dans nos sociétés touche au travail du bras et de l’estomac, vous avez des emportements non moins fougueux, mais d’une stupidité toute réactionnaire, pour tout ce qui est travail du cœur, labeur du sentiment. Votre nerveuse et peu flexible logique dans les questions de production et de consommation industrielles, n’est plus qu’un frêle roseau sans force dans les questions de production et de consommation morales. Votre intelligence, virile, entière pour tout ce qui a trait à l’homme, est comme châtrée dès qu’il s’agit de la femme. Cerveau hermaphrodite, votre pensée a la monstruosité du double sexe sous le même crâne, le sexe-lumière et le sexe-obscurité, et se roule et se tord en vain sur elle-même sans pouvoir parvenir à enfanter la vérité sociale.

Autre Jeanne d’Arc du genre masculin, qui, dit-on, avez pendant quarante ans gardé intacte votre virginité, les macérations de l’amour ont ulcéré votre coeur ; de jalouses rancunes en dégouttent; vous criez : “ guerre aux femmes ! ” comme la Pucelle d’Orléans criait : “ guerre aux Anglais! ” – Les Anglais l’ont brûlée vive... Les femmes ont fait de vous un mari, ô saint homme, longtemps vierge et toujours martyr !

Tenez, père Proudhon, voulez-vous que je vous le dise : quand vous parlez de femmes, vous me faites l’effet d’un collégien qui en cause bien haut et bien fort, à tort et à travers, et avec impertinence pour se donner des airs de les connaître, et qui, comme ses adolescents auditeurs, n’en sait pas le plus petit mot

Après avoir pendant quarante ans profané votre chair dans la solitude, vous en êtes arrivé, de pollution en pollution, à profaner publiquement votre intelligence, à en élucubrer les impuretés, et à en éclabousser la femme.

Est-ce donc là, Narcisse-Proudhon, ce que vous appelez la civilité virile et honnête ?