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Elevez la voix, au contraire, contre cette exploitation de la femme par l’homme. Dites au monde, avec cette vigueur d’argumentation qui a fait de vous un athlétique agitateur, dites lui que l’homme ne pourra désembourber la Révolution, l’arracher de sa fangeuse et sanglante ornière, qu’avec l’aide de la femme; que seul il est impuissant ; qu’il lui faut l’épaulement du coeur et du front de la femme; que sur le chemin du Progrès social ils doivent marcher tous deux de pair, côte à côte et la main dans la main; que l’homme ne saurait atteindre au but, vaincre les fatigues du voyage, s’il n’a pour le soutenir et pour le fortifier les regards et les caresses de la femme. Dites à l’homme et dites à la femme que leurs destinées sont de se rapprocher et de se mieux comprendre; qu’ils n’ont qu’un seul et même nom comme ils ne font qu’un seul et même être, l’être-humain; qu’ils en sont, tour-à-tour et tout à la fois, l’un le bras droit et l’autre le bras gauche, et que, dans l’identité humaine, leurs coeurs ne sauraient former qu’un coeur et leurs pensées un seul faisceau de pensées. Dites-leur encore, qu’à cette condition seule ils pourront rayonner l’un sur l’autre, percer, dans leur marche phosphorescente, les ombres qui séparent le présent de l’avenir, la société civilisée de la société harmonique. Dites-leur enfin, que l’être-humain – dans ses proportions et ses manifestations relatives, l’être-humain est comme le ver luisant : il ne brille que par l’amour et pour l’amour!

Dites cela. – Soyez plus fort que vos faiblesses, plus généreux que vos rancunes ; proclamez la liberté, l’égalité, la fraternité, l’indivisibilité de l’être-humain. Dites cela : c’est de salut public. Déclarez l’Humanité en danger; appelez en masse l’homme et la femme à rejeter hors des frontières sociales les préjugés envahisseurs ; suscitez un Deux et Trois Septembre contre cette haute noblesse masculine, cette aristocratie du sexe qui voudrait nous river à l’ancien régime. Dites cela : il le faut ! dites-le avec passion, avec génie, coulez-le en bronze, faites-le tonner... et vous aurez bien mérité et des autres et de vous.


Nouvelle-Orléans, mai 1857