Page:Déguignet - Mémoires d un paysan bas breton.djvu/35

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
860
LA REVUE DE PARIS

pas entendu descendre, vous êtes pieds nus ; et vous allez voyager comme ça ?

— Oui ; vous savez bien, moi, j’ai l’habitude de marcher plus souvent nu-pieds qu’avec des chaussures.

— N’importe, ça ne sera pas joli de vous voir arriver là-bas pieds nus ; on se moquera de vous. J’ai là une vieille paire de souliers, prenez-la : si vous ne pouvez pas marcher avec, vous les mettrez seulement pour entrer à la caserne.

L’idée n’était pas mauvaise ; j’acceptai les souliers que je mis sous mon bras en remerciant la bourgeoise, et je courus vers la place Saint-Corentin pour voir si Robic y était : il n’y avait personne. Je voulus entrer dans l’église, mais la porte était fermée : alors je m’agenouillai dans le porche et j’adressai de tout mon cœur, avec une grande ferveur, deux pater et deux ave, non à saint Corentin, mais à Notre-Dame de Kerdevot, laquelle m’avait déjà sauvé la vie une fois, à ce qu’assurait ma vieille institutrice, qui était morte depuis quelques années. En sortant, je regardai encore autour de la place : je ne vis personne ; Robic n’avait pas pu s’éveiller, sans doute, ayant un peu trop bu la veille. Alors je pris par le pont de l’Évêché et la Rue Neuve, pour gagner la route de Rosporden. JEAN-MARIE DÉGUIGNET

(À suivre)