Page:Déclaration du Roi Concernant les Nègres esclaves des Colonies Donnée à Versailles le 15 décembre 1738 Regristrée au Parlement de Provence.djvu/2

Cette page a été validée par deux contributeurs.

à nos travaux dans nos colonies.

VI.

Les habitans qui emmenèront ou envoyeront des negres eſclaves en France, pour leur faire apprendre quelque métier, ne pourront les y retenir que trois ans, à compter du jour de leur débarquement dans le port ; paſſé lequel temps, les eſclaves qui ne ſeront point renvoyés ſeront confiſqués à notre profit, pour être employés à nos travaux dans nos colonies.

VII.

Les habitans de nos colonies, qui voudront s’établir dans notre Royaume, ne pourront y garder dans leurs maiſons aucuns eſclaves de l’un ni de l’autre ſexe, quand bien même ils n’auroient pas vendu leurs habitations dans les colonies ; & les eſclaves qu’ils y garderont, ſeront confiſqués pour être employés à nos travaux dans les colonies ; pourront néanmoins faire paſſer en France en obſervant les formalités ci-deſſus preſcrites, quelques uns des negres attachés aux habitations dont ils ſeront reſtés propriétaires en quittant les colonies, pour leur faire apprendre quelque métier qui les rende plus utiles par leur retour dans leſdites colonies ; & dans ce cas, ils ſe conformeront à ce qui eſt preſcrit par les articles précédens ſous les peines y portées.

VIII

Tous ceux qui emmeneront ou envoyeront en France des negres eſclaves, & qui ne les renvoyeront pas aux colonies dans les délais preſcrits par les trois articles précédens, ſeront tenus outre la perte de leurs eſclaves, de payer pour chacun de ceux qu’ils n’auront pas renvoyé, la ſomme de mille livres entre les mains des Commis des Tréſoriers généraux de la Marine au colonies, pour être ladite ſomme employée aux travaux publics ; & les permiſſions qu’ils doivent obtenir des Généraux & Commandans, ne pourront leur être accordées, qu’après qu’ils auront fait entre les mains deſdits Commis des Tréſoriers généraux de la marine, leur ſoumiſſion de payer ladite ſomme ; de laquelle ſoumiſſion, il ſera fait mention dans leſdites permiſſions.

IX.

Ceux qui ont actuellement en France des negres eſclaves, de l’un ou de l’autre ſexe, ſeront tenus, dans trois mois, à compter du jour de la publication des préſentes d’en faire la déclaration au Siege de l’Amirauté le plus prochain du lieu de leur ſejour, eu faiſant même-temps leur ſoumiſſion de renvoyer dans un an, à compter du jour de la date d’icelle, leſdits negres dans leſdites colonies, & faute par eux de faire ladite déclaration ou de ſatiſfaire à ladite ſoumiſſion dans les délais preſcrits, leſd. eſclaves ſeront confiſqués à notre profit, pour être employés à nos travaux dans les colonies.

X.

Les eſclaves negres qui auront été emmenés ou envoyés en France, ne pourront s’y marier, même du conſentement de leurs maîtres, nonobſtant ce qui eſt porté par l’article ſept de notre Edit du mois d’Octobre 1716, auquel nous dérogeons quant a ce.

XI.

Dans aucun cas, ni ſous quelque prétexte que ce puiſſe être, les maîtres, qui auront emmené en France des eſclaves de l’un ou de l’autre ſexe, ne pourront les y affranchir autrement que par teſtament, & les affranchiſſemens ainsi faits ne pourront avoir lieu, qu’autant que le teſtateur décedera avant l’expiration des délais dans leſquels les eſclaves emmenés en France doivent être renvoyés dans les colonies.

XII.

Enjoigons à tous Ceux qui auront emmené des eſclaves dans le Royaume, auſſi qu’à ceux qui ſeront chargés de leur apprendre quelque métier, de donner leurs ſoins à ce qu’ils ſoient élevés & inſtruits dans les principes & dans l’exercice de la religion catholique apoſtolique & romaine.

XIII.

Notre Edit du mois d’Octobre mil ſept cent ſeize, ſera au ſur-plus exécuté ſuivant ſa forme & teneur, en ce qui n’y eſt dérogé par les préſentes.

Si donnons en mandement à nos amés & Feaux Conſeillers les gens tenant notre Cour de Parlement à Aix, que ces préſentes ils ayent à faire lire, publier & enregiſtrer, & le contenu en icelles garder, obſerver & exécuter ſelon leur forme & teneur, nonobſbtant tous Edits, Ordonnances, Déclarations, Arrêts, Réglemens & uſages à ce contraires, auxquels nous avons dérogé & dérogeons par ceſdits préſentes ; aux copies deſquelles collationnées par l’un de nos amés & Feaux Conſeillers Secrétaires, voulons que foi ſoit ajoutée comme à l’original, car tel eſt notre plaiſir, en témoin de quoi nous avons fait mettre notre ſcel à ceſdites préſentes. Donné à Verſailles le quinzième jour de Décembre l’an de grâce mil ſept cent trente-huit, & de notre regne le vingt-quatrieme. Signé LOUIS. Et plus bas. Par le Roi, Comte de Provence. Signé Phelypeaux.




LETTRE
De M. le Compte de MAUREPAS pour les Negres.


Du 13 Avril 1740


Messieurs, il eſt revenu au Roi que malgré la Déclaration que Sa Majeſté a rendue le 15 Décembre 1718, concernant les negres eſclaves de l’Amérique qui ſont envoyés en France, ces negres ſe multiplient tous les jours de plus en plus dans les différens ports du Royaume. Pour faire ceſſer ces abus, l’intention de Sa Majeſté eſt que vous teniez, en ce qui vous concerne, la main à l’exécution de cette Déclaration ; ſi cependant vous jugiez qu’en la faiſant exécuter d’abord à la rigueur contre tous ceux qui peuvent être dans le cas de l’article IX, cela pût faire un trop grand mouvement, vous aurez agréable de me rendre compte de l’état des choſes, & je vous envoyerai, les ordres de Sa Majeſté ſur ce que vous aurez à faire. Mais en tout cas, s’il arrivent que quelqu’un de ces negres fût mis en priſon pour quelque cauſe que ce fût, il ſeroit à propos que vous profitaſſiez de cette occaſion pour en prononcer la confiſcation.

Je ſuis, Meſſieur, &c.