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Lorsque nous la voyons, grisée par les senteurs capiteuses de la fenaison, elle écoutait murmurer la brise dans les peupliers de la berge ; cependant que la mélopée d’un goglu montait à l’orée du bois ; et que, la basse profonde d’un wawaron, se chauffant au soleil parmi les nénuphars, l’apeurait un peu.

Bruits sauvages, si l’on veut, que l’orpheline aimait, et qu’elle qualifiait d’orchestre Sylvestre, parce qu’ils lui donnaient d’agréables petits frissons.

On l’a compris, Mlle Duprat avait l’âme assez artiste pour harmoniser à son goût la symphonie rustique qui berçait ses désirs, et aussi ses chagrins. Quand nous disons chagrins nous n’exagérons pas, le genre de vie que s’était créé cette jeune personne, contre le gré de son père, il est vrai, la rendant malheureuse.

De s’éprendre aussi complètement de la nature, creuset magique où le concret et l’abstrait se fondent pour déconcerter le penseur, la jeune fille, quoique foncièrement bonne, et malgré une éducation très chrétienne, sacrifiait plus que de raison au pessimisme. Ayant analysé quelques-uns des travers de l’humanité, elle s’était hâtée de les généraliser. D’où son aversion secrète pour le commerce des gens qui fréquentaient les salons de son père.

Celui-ci, en homme avisé, s’inquiétait du penchant trop prononcé de sa fille pour la solitude. Et, comme il aimait son Agnès jusqu’à l’adoration, par-