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— La belle promenade, vraiment ! Je m’étonne de vous savoir engoué de machineries graisseuses, observait Mlle  Duprat, pendant qu’elle s’enveloppait dans les fourrures du traîneau qui l’attendait à la porte du théâtre. Sans doute quelqu’un à recommander par là ? Vous avez raison, mon ami, on n’est jamais trop bon, trop charitable. Serait-ce indiscret de vous demander si vous avez réussi ?

— Mais comment donc, mademoiselle ! Il n’y a pas de secret. L’homme que j’ai placé, vous l’avez entrevu. Néanmoins, vous ne reconnaîtriez pas en lui le chemineau ensanglanté de la gare de Ste-Rose. C’était le moins qu’après l’avoir fait souffrir, la compagnie du Pacifique Canadien lui donnât du travail.

— Vous avez fait cela, M. Fortin ? Mes compliments. Vous êtes un noble cœur, balbutiait émue la jeune fille.

Dès lors, le sort en fut jeté. La froideur taciturne d’Agnès Duprat se dissipa comme par enchantement. Vaincue par le plus noble des sentiments, elle aimait le bienfaiteur d’un misérable, elle aimait l’homme de son rêve : honnête, généreux, qui la comprendrait, qui la rendrait heureuse.

Quelques jours après la conversation ci-dessus rapportée, les journaux de Montréal, avec force compliments, annoncèrent que : l’élégante et richissime Mlle  Agnès Duprat était fiancée à M. Anatole Fortin, avocat de grand talent, et homme du monde accompli.

L. d’ORNANO.