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bouge malfamé.

Toute une théorie d’aguichantes silhouettes féminines lui apparaissait. À ces belles, son rêve donnait des noms, piquait des fleurs dans leurs chignons, tels des symboles de pureté ou de vice. En toilettes de gaze, en robes de soirée, d’aucunes engoncées en des fourrures rares, les héroïnes de ce cortège allaient, vains fantômes, se perdre, là-bas, aux flancs estompés de bleu des montagnes du pays natal. Raoul Thérien demeurait immobile, profondément troublé par l’examen de conscience auquel il se livrait. Des bribes de conversations, des éclats de rire d’antan, revenaient frapper ses oreilles, évoquaient les gestes inutiles, les mensonges, les inepties, auxquels il avait entendu associer le nom divin de l’amour.

Avec le recul du temps, cette profanation de langage révoltait l’ingénieur, dont le fond était demeuré bon. La solitude du bois où il se trouvait l’impressionnait. Il philosophait, se jugeait, non sans sévérité.

Des flirts ? Eh bien ! il s’en reprochait comme tout le monde. N’était-ce pas la mode ? Les jeunes filles n’étaient-elles pas les premières à s’aventurer sur ce dangereux terrain de la passion simulée, si favorable aux enlisements de l’être sensoriel ?

Notre homme ruminait ces lieux communs comme pour s’excuser, bien qu’il n’eût jamais commis d’actions foncièrement répréhensibles.

L’amour, que d’autres bafouaient, il l’avait, lui, relativement respecté ; il l’avait invoqué avec sincérité, au risque d’en souffrir ; et, il en