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bien que le pouvoir absolu d’un seul homme ou d’une oligarchie, par troubler la raison et le sens moral de qui en a aspiré les parfums enivrants. Rien n’était plus propre à faire ressortir cette sorte de dépravation que les qualités et les vertus mêmes qui subsistaient dans la société fondée sur un tel despotisme. C’est justement parce que, du reste, cette société était éclairée et religieuse, parce qu’elle produisait des caractères d’ailleurs irréprochables, parce qu’elle tirait de ses entrailles les soldats héroïques qui suivaient au combat un Lee et un Jackson, qu’il était plus monstrueux d’y voir prospérer l’esclavage avec ses odieuses conséquences. Pour qu’elle fût arrivée à montrer au monde, sans s’en apercevoir elle-même, un contraste aussi choquant, il fallait que le sens moral eût été perverti chez l’enfant, entouré dès sa naissance des flatteries de l’esclave, chez l’homme, maître absolu du travail de ses semblables, chez la femme, habituée à soulager les misères qui l’entouraient pour obéir non à un devoir, mais à un simple instinct d’humanité et de pitié, chez tous enfin, par l’abus de vaines déclamations destinées à étouffer la révolte des consciences honnêtes. Spectacle profondément attristant pour quiconque veut étudier la nature humaine que celui d’une population entière où la force de l’habi-