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consacrent cette dégradation systématique, et aux lois sévères et minutieuses édictées par presque tous les États du Sud, qui lui rendent à peu près impossible l’émancipation individuelle, qui l’exposent même à des peines graves s’il enseigne à ses propres nègres à lire ou à écrire. Devra-t-il protester contre cette loi odieuse qui enchaîne l’intelligence de l’esclave dans l’étroit cachot d’une perpétuelle ignorance ? Il ne le pourra pas, car l’avilissement moral de celui-ci est la seule garantie de sa soumission matérielle : s’il voyait trop souvent son pareil recevoir la liberté comme un bienfait, il la désirerait à son tour, et, s’il recevait la moindre éducation, il se relèverait à ses propres yeux, l’abîme qui le sépare de son maître lui paraîtrait moins difficile à franchir, et il sortirait de cet abrutissement satisfait où il faut le maintenir pour faire de lui le docile instrument d’une exploitation lucrative.

Mais, encore une fois, l’institution servile, en violant la loi suprême de l’humanité qui réunit par un lien indissoluble ces deux mots travail et progrès, et en faisant du travail même un moyen d’avilissement, ne dégradait pas seulement l’esclave, elle amenait aussi sûrement la dépravation du maître ; car le despotisme d’une race entière finit toujours, aussi