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nération, sans espoir d’un meilleur sort. Enfin, le propriétaire aura soin de lui, ne lui imposera pas de labeur au-dessus de ses forces et donnera une satisfaction suffisante à ses besoins matériels absolument comme aux animaux qui travaillent à côté de lui sous un fouet commun. Mais, pour goûter ce prétendu bonheur, il faut qu’il soit ravalé au niveau moral de ces compagnons de sa servitude, et que la flamme de son intelligence soit éteinte pour toujours, car, tant qu’il portera dans sa poitrine cette étincelle divine, il sera malheureux parce qu’il se sentira esclave. Et, lorsque le bon maître, satisfait de ses propres vertus, montrera ses nègres en disant : « Ils sont heureux, ils n’ont pas à se préoccuper du lendemain, ils sont logés, nourris, vêtus et ne voudraient pas être libres, » il s’accusera lui-même de la façon la plus terrible, car c’est comme s’il disait : « J’ai si bien étouffé chez eux tous les sentiments que Dieu a mis dans le cœur de l’homme, que ce mot de liberté, que nous entendrions prononcer par toute créature animée si nous comprenions toutes les langues de la nature, n’a plus de sens pour eux. » Il se peut à la rigueur que, même dans le milieu où il vit, sa conscience se révolte contre la dégradation de ses semblables mais alors il se heurtera aux mœurs, qui