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lutter corps à corps avec elle, ignore combien ce poison subtil s’infiltre jusque dans la moelle d’une société. En effet, c’est au nom des droits de la race opprimée qu’il a condamné l’esclavage. Ce sont les sentiments de justice envers cette race qui inspirèrent et la religieuse Angleterre, lorsqu’à la voix de Buxton et de Wilberforce elle proclama l’émancipation, et notre grande Assemblée nationale lorsqu’elle abolit une première fois l’esclavage dans nos colonies, et ceux qui en préparèrent de nouveau la suppression, après l’acte inouï par lequel le premier consul le rétablit sur le sol français. C’est le tableau des souffrances imméritées de nos semblables qui émut toute l’Europe à la lecture de ce roman si simple et si éloquent appelé la Case de l’Oncle Tom.

Mais les effets de l’institution servile sur la race maîtresse offrent à l’historien, comme au philosophe, un spectacle non moins triste et non moins instructif ; car une fatale démoralisation est le juste châtiment que l’esclavage inflige à ceux qui ne croyaient y trouver que profit et puissance.

Pour montrer plus clairement à quel point elle en est la conséquence inévitable et comment, par une inexorable logique, le seul fait de l’asservissement du noir déprave chez le blanc les idées et les mœurs