Page:D'Isle - Les naufrages célèbres depuis 1700 jusqu'à nos jours, 1858.djvu/24

Cette page n’a pas encore été corrigée

et au froid piquant de la nuit. Le sixième jour, une petite pluie nous fit espérer un peu de soulagement à la soif qui nous dévorait; nous tâchions de recueillir avec la bouche et les mains le peu d'eau qui tombait. Nous léchions notre voile d'écarlate; mais cette étoffe, déjà imbibée d'eau de mer, en communiquait l'amertume à la pluie qu'elle recevait. D'un autre côté, si la pluie avait été plus forte, elle aurait pu faire tomber le vent qui nous poussait, et le calme nous aurait à la fin fait périr. Pour fixer les incertitudes de notre route nous consultions chaque jour le lever et le coucher du soleil et de la lune. Un très-petit morceau de lard salé nous fournissait un repas pour vingt-quatre heures; encore fûmes-nous obligés de l'abandonner au quatrième jour, parce qu'il nous occasionna un crachement de sang. Un coup d'eau-de-vie, de temps en temps, faisait notre boisson; mais cette liqueur nous brûlait l'estomac sans l'humecter.

Je passais la huitième nuit au gouvernail, j'en tins la barre pendant plus de dix heures, en demandant souvent qu'on me relevât; j'y succombais, mes malheureux compagnons étaient dans le même état d'épuisement, et le désespoir commençait à s'emparer de nous. Enfin, presque anéantis de fatigue, de misère, de faim et de soif, nous découvrîmes la terre aux premiers rayons du soleil, le mercredi 3 août 1752. il faudrait avoir éprouvé nos malheurs pour s'imaginer la révolution que la joie fit en nous. A deux heures après midi, nous abordâmes la côte du Brésil, et nous entrâmes dans la baie de Tesson; une lieue plus loin, nous étions brisés à la côte de fer. Notre