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lancées au milieu des airs, et dont la chute menaçait d'écraser d'infortunés qui luttaient encore contre les dernières atteintes de la mort. Nous n'étions pas nous-mêmes à l'abri des plus grandes frayeurs; un de ces débris pouvait nous atteindre et engloutir notre frêle nacelle. Grâce au Ciel, ma fermeté ne m'abandonna pas: je proposais d'aller vers ces débris pour tâcher de trouver quelques vivres et autres choses nécessaires. Nous avions besoin de tout, et nous étions exposés à mourir de faim, mort plus lente et plus cruelle que celle de nos frères. La nuit approchait; Dieu, qui voulait notre conservation, nous fit trouver une barrique d'eau-de-vie, environ quinze livres de lard salé, une pièce écarlate et quelques cordes. La nuit nous surprit, et nous ne pouvions pas perdre le temps à attendre le jour, sans nous exposer cent fois à périr parmi des débris, dont nous n'avions pu encore nous dégager. Nous nous éloignâmes donc le plus promptement qu'il nous fut possible, pour nous occuper de l'armement de notre nouveau bâtiment. Un aviron nous tint lieu de mât; une gaffe, de vergue; notre pièce d'écarlate nous fournit une voile. Il ne s'agissait plus que de diriger la route; nous n'avions ni carte ni instrument de marine, et nous étions à près de deux cents lieues de terre. Nous nous abandonnâmes à la miséricorde divine, dont nous implorâmes l'assistance par de ferventes prières.

Nous voguâmes huit jours et huit nuits sans apercevoir la terre, exposés tout nus aux rayons brûlants du soleil