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la mer; mais la crainte avait tellement épuisé les forces des plus intrépides, qu'ils ne pesaient que très-faiblement sur les palans. Le canot était cependant à une certaine élévation, on allait le lancer à la mer; mais, pour comble de malheur, le feu, dont l'activité redoublait à chaque moment, monta le long du grand mât avec tant de rapidité et de violence, qu'il brûla les cordes des palans; le canot tombant alors sur les canons tribord (la droite), versa sur le côté, et l'on perdit tout espoir de le relever. Nous vîmes, en cet instant, que nous ne devions plus mettre nos espérance entre les mains des hommes, mais dans la miséricorde de Dieu. L'accablement s'empara des esprits, la consternation devint générale, on n'entendit plus que des gémissements; les animaux mêmes poussaient des cris effroyables. Tout le monde commença alors à élever son cœur et ses mains vers le ciel, et , dans la certitude d'une mort prochaine, chacun n'était plus occupé que de l'affreuse alternative entre les éléments prêts à nous dévorer. l'aumônier, qui était sur le gaillard de l'arrière, donna l'absolution générale, et passa dans la galerie pour en accorder le bienfait aux malheureux qui s'étaient déjà précipités dans les flots. Quel horrible spectacle ! Chacun n'est occupé qu'à jeter à la mer tout ce qui peut lui procurer un instant de vie; cage, vergues, planches, tout ce qui se présente sous la main égarée par le désespoir est saisi, arraché. La confusion est extrême; les uns semblaient aller au-devant de la mort en se jetant à