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PROLOGUE.

souffrait plus que tous les autres des emportements de son frère aîné. Ne trouvant ni affection ni complaisance chez ses frères et sœurs, elle avait concentré sa tendresse sur sa mère, à laquelle elle ressemblait de caractère comme de visage.

Tous les enfants de Marianne s’utilisaient suivant leur âge et leurs dispositions ; les aînés, sauf Simon, étaient employés dans des fermes des environs, et les derniers commençaient à apprendre un métier qui pût les faire vivre plus tard.

Dès que Louise eut neuf ans, on l’envoya chez une voisine, qui l’occupait à garder des oies dans les champs ; elle n’était pas payée, mais la voisine la nourrissait et elle allégeait d’autant les charges de Marianne. Malgré son courage, la pauvre femme sentait bien que ses forces s’affaiblissaient et que le moment où il lui faudrait quitter ses enfants s’approchait rapidement. Elle dissimula ses souffrances le plus longtemps possible, surtout à cause de Louise, dont le cœur affectueux devait sentir si vivement les douleurs de cette inévitable séparation. Cependant il vint un moment où la maladie triompha de sa volonté, et elle se mit au lit pour ne plus se relever.

Un matin, comme Louise se préparait à quitter la maison pour aller aux champs, sa mère l’appela.