feu que celui de sa cigarette ou de sa cheminée, présider une compagnie judiciaire composée de vieux soldats, qui avaient conquis leurs étoiles au milieu de la mitraille des combats.
Et c’est ainsi qu’on eut le spectacle d’un stratégiste d’opéra cornique, qui avait suivi… dans les livres, les opérations de la campagne de 1870, morigénant d’un air capable ceux qui avaient manœuvré à travers balles et boulets, et déclarant d’un ton tranchant qu’à telle bataille il eût fallu se porter à gauche, à telle autre à droite et à telle autre au milieu. Il me souvient de l’écœurement que soulevaient en moi ces leçons de stratégie après coup : avant de les entendre au palais de Trianon, je les avais six mois durant entendu formuler autour des tables de cafés par les caporaux et tambours de la garde nationale.
Du reste, fort bien accouplé dans l’affaire, ce président fantastique d’un Conseil de guerre chargé de juger un maréchal de France.
Il avait pour ministère public un ex-favori de Gambetta, et pour rapporteur un général du génie « méprisé par toute l’armée, » suivant l’énergique expression du brave colonel Stoffel, un général du génie qui n’avait pu lui même écrire son rapport et avait, passé la plume à qui ?… Devinez !… A Challemel-Lacour !
Ah ! certes, je le répète, je n’ai pour Bazaine ni sympathie ni antipathie. Il ne n’inspire que de l’indifférence.
Mais, quand j’énumère la série d’infamies et de lâchetés qui présidèrent sa flétrissure, quand je songe que le ministre qui livra l’accusé au tribunal militaire, sous prévention d’avoir vendu son armée à la Prusse, était précisément le général qui, muni des pleins pouvoirs de tous ses collègues, avait négocié et signé la capitulation de cette armée, quand je considère enfin que le grand premier rôle de cette comédie