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qui, bien qu’elle eût passé la première jeunesse, en conservait encore toute la grâce et l’élégance : c’était Mme Bonaparte. Plus près d’elle, et presque enseveli dans les coussins du fauteuil où il était assis, se trouvait un petit homme contrefait, dont l’extérieur étrange et la figure remarquable attirèrent son attention ; on le lui présenta en nommant La Réveillère-Lépeaux, l’un des directeurs. Mme Récamier fut aussi vivement frappée dans cette soirée du contraste que présentaient, avec la société fort mêlée qui remplissait les salons, la figure jeune encore de M. de Talleyrand, ses manières élégantes et aristocratiques, et sa physionomie hautaine.

Mme Récamier rencontra fréquemment M. de Talleyrand dans le monde ; il ne vint jamais chez elle, où j’ai vu plusieurs fois son frère, Archambauld de Périgord.

À minuit on servit un splendide souper. Barras plaça Mme Bonaparte à sa droite, et pria Mme Récamier, que La Réveillère-Lépeaux avait conduite dans la salle à manger, de se mettre à sa gauche. Elle eut ainsi pendant le souper une occasion naturelle de parler à Barras du vieillard dont elle voulait obtenir la mise en liberté. Il faut se rappeler la grande jeunesse de Juliette, l’expression pure et presque enfantine de sa physionomie, pour imaginer l’impression que devait produire, dans ce monde facile, cette virginale apparition. Barras écouta avec un