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traitants eût été consommé dès le vivant de Monsieur le Cardinal de Richelieu, et qu’il ne faille pas laisser maintenant de continuer la Guerre contre les mêmes Ennemis. Croient-ils donc qu’avec des feuilles de chêne, on paie cinq ou six Armées ; qu’on lève toutes les Campagnes de nouveaux gens de guerre ? qu’on entretienne les correspondances qu’il faut avoir et dedans et dehors ? qu’on fasse révolter des Provinces et des Royaumes entiers contre nos Ennemis ? enfin qu’un seul Ministre domine au sort de tous les Potentats de la Terre, sans de prodigieuses sommes d’argent, qui seules sont capables de nous acheter la Paix ? Oui, car Monsieur le Drapier se figure, qu’il en va du Gouvernement d’une Monarchie, comme des gages de sa Chambrière, ou de la pension de son fils Pierrot.

Ils ajoutent à leurs ridicules contes et hors de saison, que les choses ont réussi très souvent au rebours de ce qu’il avoit conseillé. Je le crois, car il est maître de son raisonnement, non pas des caprices de la fortune. Nous voyons si souvent de bons succès autoriser de mauvaises conduites ; et je m’étonnerois bien davantage, qu’à travers les ténèbres de l’avenir, un homme pût avec les yeux de sa pensée, fixer un ordre aux événements hasardeux, et par son attention conduire les allures de la fatalité. Quand ces causeurs ont été repoussés à cette attaque, ils lui reprochent un Palais qu’il a fait bâtir à Rome. Mais qu’ils apprennent qu’en cette Cour-là le moindre des Cardinaux y a le sien. Étant Cardinal François, la pompe d’un Palais dans Rome tourne à la gloire de la France, comme sa bassesse iroit dans l’esprit des Italiens à la honte de notre Nation. Il y a eu de nos Rois (je dis des plus Augustes) qui ont fourni libéralement à des Cardinaux des sommes très considérables pour bâtir leurs Palais, à condition que sur le portail ils feroient arborer