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II. — Remontrances des Trois États
a la Reine Régente pour la Paix


REMONTRANCE DU PEUPLE


Madame. Quoi que nous soyons les derniers en ordre, nous ne devons pourtant pas l’être en nature, puisque c’est en quelque sorte par notre moyen que les Rois subsistent, et que leur grandeur, selon le Sage, ne peut être mieux représentée que par celle de leurs peuples. Il n’est pas autrement d’un État que d’un édifice où les appartemens les plus superbes ne sont pas toujours les plus nécessaires, où les plus bas étages entretiennent les plus hauts, et dans lequel les pierres les moins remarquables servent de fondement et d’appui à tout le reste. S’il est vrai ce qu’a dit un des premiers Pères de l’Église, comme cette qualité nous empêche d’en douter, qu’il n’est pas jusques aux mouches et aux fourmis qui ne relèvent ici-bas la gloire de Dieu, quelque malheureuse que puisse être notre condition dans son origine, elle ne laisse pas de nous consoler, quand nous songeons qu’elle contribue quelque chose à votre gloire, comme il n’est point d’herbe en effet qui n’ait sa vertu, ni d’étoile, quelque petite qu’elle soit, qui n’ait sa lumière et son influence. Ce n’est pas d’aujourd’hui, Madame, que votre Majesté peut être persuadée de cette vérité, confirmée par la voix et par le sentiment de tous les hommes, et qui la voudroit ignorer ne voudroit pas aussi concevoir que les Rois ne sont appelés de ce nom qu’au regard de leurs sujets, dont nous faisons la plus grande et la meilleure partie, quoi que nous rien fassions pas la plus noble. Nous avons toujours ouï dire qu’il étoit du corps