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lit des plantes d’ellébore (245), dont la racine qui s’étend en longs filaments nettoie l’eau de sa bouche. Elle nourrit des serpens, et dessus l’herbe molle qui tapisse ses rivages un million d’éléphans se reposent. Elle se distribue comme ses deux germaines en une infinité de petits rameaux ; elle grossit en cheminant et, quoiqu’elle gagne toujours pays, elle va et revient éternellement sur soi-même.

De l’humeur de ces trois Rivières tout le Soleil est arrosé ; elle sert à détremper les atomes brûlans de ceux qui meurent dans ce grand Monde ; mais cela mérite bien d’être traité plus au long.

La vie des animaux du Soleil est fort longue, ils ne finissent que de mort naturelle qui n’arrive qu’au bout de sept à huit mille ans quand, pour les continus excès d’esprit où leur tempérament de feu les incline, l’ordre de la matière se brouille ; car aussitôt que dans un corps la Nature sent qu’il faudroit plus de temps à réparer les ruines de son être qu’à en composer un nouveau, elle aspire à se dissoudre, si bien que de jour en jour on voit non pas pourrir, mais tomber l’animal en particules semblables à de la cendre rouge.

Le trépas n’arrive guère que de cette sorte. Expiré donc qu’il est, ou pour mieux dire éteint, les petits corps ignés qui composoient sa substance, entrent dans la grosse matière de ce monde allumé, jusqu’à ce que le hasard les ait abreuvés de l’humeur des trois Rivières ; car alors devenus mobiles par leur fluidité, afin d’exercer vitement les facultés dont cette eau leur vient d’imprimer l’obscure connoissance, ils s’attachent en longs filets, et par un flux de points lumineux, s’aiguisent en rayons et se répandent aux sphères d’alentour, où ils ne sont pas plutôt enveloppés, qu’ils arrangent eux-mêmes la matière autant qu’ils peuvent, dedans la forme propre à