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de même que vous voyez la flamme d’une chandelle y voler en pointe, malgré le suif qui la tient par les pieds. Or toutes ces âmes unies qu’elles sont à la source du jour, et purgées de la grosse matière qui les empêchoit, elles exercent des fonctions bien plus nobles que celles de croître, de sentir, et de raisonner, car elles sont employées à former le sang et les esprits vitaux du Soleil, ce grand et parfait animal. Et c’est aussi pourquoi vous ne devez point douter que le Soleil n’opère de l’esprit bien plus parfaitement que vous, puisque c’est par la chaleur d’un million de ces âmes rectifiées, dont la sienne est un élixir, qu’il connoît le secret de la vie, qu’il influe à la matière de vos Mondes la puissance d’engendrer, qu’il rend des corps capables de se sentir être, et enfin qu’il se fait voir et fait voir toutes choses( (231).

« Il me reste maintenant à vous expliquer pourquoi les âmes des Philosophes ne se joignent pas essentiellement à la masse du Soleil comme celles des autres Hommes.

« Il y a trois ordres d’esprits dans toutes les Planètes, c’est-à-dire dans les petits Mondes qui se meuvent à l’entour de celui-ci.

« Les plus grossiers servent simplement à réparer l’embonpoint du Soleil. Les subtils s’insinuent à la place de ses rayons ; mais ceux des Philosophes, sans avoir rien contracté d’impur dans leur exil, arrivent tout entiers à la sphère du jour pour en être habitans (232). Or elles ne deviennent pas comme les autres une partie intégrante de sa masse, pour ce que la matière qui les compose, au point de leur génération, se mêle si exactement que rien ne la peut plus déprendre, semblable à celle qui forme l’or, les diamans, et les Astres, dont toutes les parties sont mêlées par tant d’enlacemens, que le plus fort dissolvant n’en sauroit relâcher l’étreinte.