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de ma part un clistère qui le remettra tout à fait en convalescence. »

Ces paroles achevées, je n’entendis plus le moindre bruit ; sinon qu’un quart d’heure après, une voix que je n’avois point encore, ce me semble, remarquée, parvint à mon oreille ; et voici comment elle parloit : « Holà, fourchu, dormez-vous ? » J’ouïs qu’une autre voix répliquoit ainsi : « Non, fraîche écorce ; pourquoi ? — C’est, reprit celle qui la première avoit rompu le silence, que je me sens ému de la même façon que nous avons accoutumé de l’être, quand ces animaux qu’on appelle Hommes nous approchent ; et je voudrois vous demander si vous sentez la même chose. »

Il se passa quelque temps avant que l’autre répondît, comme s’il eût voulu appliquer à cette découverte ses sens les plus secrets. Puis, il s’écria : « Mon Dieu ! vous avez raison, et je vous jure que je trouve mes organes tellement pleins des espèces d’un Homme, que je suis le plus trompé du monde, s’il n’y en a quelqu’un fort proche d’ici. »

Alors plusieurs voix se mêlèrent, qui disoient qu’assurément elles sentoient un Homme.

J’avois beau distribuer ma vue de tous côtés, je ne découvrois point d’où pouvoit provenir cette parole. Enfin après m’être un peu remis de l’horreur dont cet événement m’avoit consterné, je répondis à celle qu’il me sembla remarquer que c’étoit elle qui demandoit s’il y avoit là un Homme, qu’il y en avoit un : « Mais je vous supplie, continuai-je aussitôt, qui que vous soyez qui parlez à moi, de me dire où vous êtes ? » Un moment après j’écoutai ces mots :

« Nous sommes en ta présence : tes yeux nous regardent, et tu ne nous vois pas ! Envisage les Chênes où nous sentons que tu tiens ta vue attachée : c’est nous