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nomme Margot ; il y a ici force Oiseaux de qualité qui répondront de moi. J’appris un jour au Monde de la Terre d’où je suis native, par Guillery l’Enrhumé que voilà (qui, m’ayant entendu crier en cage, me vint visiter à la fenêtre où j’étois pendue), que mon père étoit Courte-queue, et ma mère Croque-noix. Je ne l’aurois pas su sans lui ; car j’avois été enlevée de dessous l’aile de mes parens au berceau, fort jeune. Ma mère quelque temps après en mourut de déplaisir, et mon père désormais hors d’âge de faire d’autres enfans, désespéré de se voir sans héritiers, s’en alla à la guerre des Geais, où il fut tué d’un coup de bec dans la cervelle. Ceux qui me ravirent furent certains animaux sauvages qu’on appelle porchers, qui me portèrent vendre à un château, où je vis cet Homme à qui vous faites maintenant le procès. Je ne sais s’il conçut quelque bonne volonté pour moi, mais il se donnoit la peine d’avertir les serviteurs de me hacher de la mangeaille. Il avoit quelquefois la bonté de me l’apprêter lui-même. Si en hiver j’étois morfondue, il me portoit auprès du feu, calfeutroit ma cage ou commandoit au jardinier de me réchauffer dans sa chemise. Les domestiques n’osoient m’agacer en sa présence, et je me souviens qu’un jour il me sauva de la gueule du chat qui me tenoit entre ses griffes, où le petit laquais de ma Dame m’avoit exposée. Mais il ne sera pas mal à propos de vous apprendre la cause de cette barbarie. Pour complaire à Verdelet (c’est le nom du petit laquais) je répétois un jour les sottises qu’il m’avoit enseignées. Or il arriva, par malheur, quoique je récitasse toujours mes quolibets de suite, que je vins à dire en son ordre justement comme il entroit pour faire un faux message : Taisez-vous, fils de putain, vous avez menti ! Cet Homme accusé que voilà, qui connoissant le naturel menteur du fripon, s’imagina que je pourrois bien avoir parlé par prophétie, et envoya