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auparavant tous ses efforts pour ce voyage ; mais la pesanteur de son œuf, dont les coques si épaisses qu’il faut un siècle à le couver, retardoit toujours l’entreprise.

« Je me doute bien que vous aurez de la peine à concevoir cette miraculeuse production ; c’est pourquoi je veux vous l’expliquer. Le Phénix est hermaphrodite ; mais entre les hermaphrodites, c’est encore un autre Phénix tout extraordinaire, car… »

Il resta un demi-quart d’heure sans parler, et puis il ajouta : « Je vois bien que vous soupçonnez de fausseté ce que je vous viens d’apprendre ; mais si je ne dis vrai, je veux jamais n’aborder votre globe, qu’un Aigle ne fonde sur moi. »

Il demeura encore quelque temps à se balancer dans le Ciel, et puis il s’envola.

L’admiration qu’il m’avoit causée par son récit me donna la curiosité de le suivre ; et parce qu’il fendoit le vague des cieux d’un essor non précipité, je le conduisis de la vue et du marcher assez facilement.

Environ au bout de cinquante lieues, je me trouvai dans un pays si plein d’Oiseaux, que leur nombre égaloit presque celui des feuilles qui les couvroient. Ce qui me surprit davantage fut que ces Oiseaux, au lieu de s’effaroucher à ma rencontre, voltigeoient alentour de moi ; l’un siffloit à mes oreilles, l’autre faisoit la roue sur ma tête ; bref après que leurs petites gambades eurent occupé mon attention fort longtemps, tout à coup je sentis mes bras chargés de plus d’un million de toutes sortes d’espèces, qui pesoient dessus si lourdement, que je ne les pouvois remuer.

Ils me tinrent en cet état jusqu’à ce que je vis arriver quatre grandes Aigles, dont les unes m’ayant de leurs serres accolé par les jambes, les deux autres par les bras, m’enlevèrent fort haut.