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retraite des eaux, il est demeuré sur la terre une bourbe grasse et féconde, où quand le Soleil eut rayonné, il s’éleva comme une ampoule, qui ne put à cause du froid pousser son germe dehors. Elle reçut donc une autre coction ; et cette coction la rectifiant encore, et la perfectionnant par un mélange plus exact, elle rendit ce germe qui n’étoit en puissance que de végéter, capable de sentir. Mais parce que les eaux qui avoient si longtemps croupi sur le limon, l’avoient trop morfondu, la bube ne se creva point ; de sorte que le Soleil la recuisit encore une fois ; et après une troisième digestion, cette matrice étant si fort échauffée, que le froid n’apportoit plus d’obstacle à son accouchement, elle s’ouvrit et enfanta un homme lequel a retenu dans le foie, qui est le siège de l’âme végétative, et l’endroit de la première coction, la puissance de croître ; dans le cœur, qui est le siège de l’activité, et la place de la seconde coction, la puissance vitale ; et dans le cerveau, qui est le siège de l’intellectuelle, et le lieu de la troisième coction, la puissance de raisonner. Sans cela, pourquoi serions-nous plus longtemps dans le ventre de nos mères que tout le reste des animaux, si ce n’étoit qu’il faut que notre embryon reçoive trois coctions distinctes pour former les trois facultés distinctes de notre âme ; et les bêtes, seulement deux, pour former ses deux puissances ? Je sais bien que le cheval ne s’achève qu’en dix, douze ou quatorze mois, au ventre de la jument. Mais comme il est d’un tempérament si contraire à celui qui nous fait hommes, que jamais il n’a vie qu’aux mois (remarquez !) tout à fait antipathiques à la nôtre, quand nous restons dans la matrice, outre le cours naturel ; ce n’est pas merveille que la période du temps, dont Nature a besoin pour délivrer une jument, soit autre que celui qui fait accoucher une femme. « Oui, mais enfin dira quelqu’un, le cheval