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aperçus, croissent de jour en jour. Or que sait-on si ce n’est point une croûte qui se forme en sa superficie, sa masse qui s’éteint à mesure que la lumière s’en déprend ; et s’il ne deviendra point, quand tous ces corps mobiles l’auront abandonné, un globe opaque comme la Terre ? Il y a des siècles fort éloignés, au delà desquels il ne paroît aucun vestige du genre humain. Peut-être qu’auparavant la Terre étoit un Soleil peuplé d’animaux proportionnés au climat qui les avoit produits ; et peut-être que ces animaux-là étoient les Démons de qui l’antiquité raconte tant d’exemples. Pourquoi non ? Ne se peut-il pas faire que ces animaux depuis l’extinction de la Terre, y ont encore habité quelque temps, et que l’altération de leur globe n’en avoit pas détruit encore toute la race ? En effet leur vie a duré jusqu’à celle d’Auguste, au témoignage de Plutarque. Il semble même que le testament prophétique et sacré de nos premiers Patriarches, nous ait voulu conduire à cette vérité par la main ; car on y lit auparavant qu’il soit parlé de l’homme, la révolte des Anges (177). Cette suite de temps que l’Écriture observe, n’est-elle pas comme une demi-preuve que les Anges ont habité la Terre auparavant nous ? et que ces orgueilleux qui avoient habité notre Monde, du temps qu’il étoit Soleil, dédaignant peut-être depuis qu’il fût éteint, d’y continuer leur demeure, et sachant que Dieu avoit posé son Trône dans le Soleil, osèrent entreprendre de l’occuper ? Mais Dieu qui voulut punir leur audace, les chassa même de la Terre, et créa l’homme, moins parfait, mais par conséquent moins superbe, pour occuper leurs places vides.

Environ au bout de quatre mois de voyage, du moins autant qu’on sauroit supputer, quand il n’arrive point de nuit pour distinguer le jour, j’abordai une de ces petites Terres qui voltigent à l’entour du Soleil (que les Mathé-