Page:Cyrano de Bergerac - L autre monde ou Les états et empires de la lune et du soleil, nouv éd, 1932.djvu/194

Cette page a été validée par deux contributeurs.

de l’Afrique, déjà même mes yeux, par mon abaissement, ne pouvoient sè courber au delà de l’Italie, quand le cœur me dit que ce Diable sans doute emportoit mon hôte aux Enfers, en corps et en Âme, et que c’étoit pour cela qu’il le passoit par notre terre, à cause que l’Enfer est dans son centre. J’oubliai toutefois cette réflexion et tout ce qui m’étoit arrivé depuis que le Diable étoit notre voiture, à la frayeur que me donna la vue d’une montagne en feu que je touchai quasi. L’objet de brûlant spectacle me fit crier « Jésus Maria ». J’avois à peine achevé la dernière lettre que je me trouvais étendu sur des bruyères au coupeau d’une petite colline, et deux ou trois pasteurs autour de moi qui récitoient des litanies et me parlaient italien. « Ô ! m’écriais-je alors, Dieu soit loué ! J’ai donc enfin trouvé des chrétiens au Monde de la Lune. Hé ! dites-moi, mes amis, en quelle province de votre Monde suis-je maintenant ? — En Italie, me répondirent-ils.

Comment, interrompis-je, y a-t-il une Italie aussi au Monde de la Lune ? J’avois encore si peu réfléchi sur cet accident que je ne m’étois pas encore aperçu qui’ils me parloient italien et que je leur répondois de même.

Quand doncques je fus tout à fait désabusé et que rien ne m’empêcha plus de connoître que j’étois de retour en ce Monde, je me laissai conduire où ces paysans voulurent me mener. Mais je n’étois pas encore arrivé aux portes de que tous les chiens de la ville se vinrent précipiter sur moi, et sans que la peur me jeta dans une maison où je mis barre entre nous, j’étois infailliblement englouti.

Un quart d’heure après comme je me reposais dans ce logis, voici qu’on entend à l’entour un sabbat de tous les chiens, je crois, du Royaume ; on y voyait depuis le dogue jusqu’au bichon, hurlant de plus épouvantable furie que s’ils eussent fait l’anniversaire de leur premier Adam.

Cette aventure ne causa pas peu d’admiration à toutes