Page:Cyrano de Bergerac - L autre monde ou Les états et empires de la lune et du soleil, nouv éd, 1932.djvu/168

Cette page a été validée par deux contributeurs.

il arrive une rafle ; aussi bien est-il impossible que de ce remuement il ne se fasse quelque chose, et cette chose sera toujours admirée d’un étourdi qui ne saura pas combien peu s’en est fallu qu’elle n’ait pas été faite. Quand la grande rivière de fait moudre un moulin, conduit les ressorts d’une horloge (111), et que le petit ruisseau de ne fait que couler et se dérober quelquefois, vous ne direz pas que cette rivière a bien de l’esprit, parce que vous savez qu’elle a rencontré les choses disposées à faire tous ces beaux chefs-d’œuvre ; car si son moulin ne se fût pas trouvé dans son cours, elle n’auroit pas pulvérisé le froment ; si elle n’eût point rencontré l’horloge, elle n’auroit pas marqué les heures ; et si le petit ruisseau dont j’ai parlé avoit eu la même rencontre, il auroit fait les mêmes miracles. Il en va tout ainsi de ce feu qui se meut de soi-même, car ayant trouvé les organes propres à l’agitation nécessaire pour raisonner, il a raisonné ; quand il en a trouvé de propres seulement à sentir, il a senti ; quand il en a trouvé de propres à végéter, il a végété : et qu’ainsi ne soit, qu’on crève les yeux de cet homme que le feu de cette âme fait voir, il cessera de voir de même que notre grande horloge cessera de marquer les heures, si l’on en brise le mouvement.

« Enfin ces premiers et indivisibles atomes font un cercle sur qui roulent sans difficulté les difficultés les plus embarrassantes de la Physique ; il n’est pas jusques à l’opération des sens que personne n’a pu encore bien concevoir, que je n’explique fort aisément par les petits corps (112). Commençons par la vue ; elle mérite, comme la plus incompréhensible, notre premier début.

« Elle se fait donc, à ce que je m’imagine, quand les tuniques de l’œil, dont les pertuis (113) sont semblables à peux du verre, transmettent cette poussière de feu, qu’on