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comme un grand animal ; que les étoiles qui sont des Mondes sont dans ce grand animal comme d’autres grands animaux qui servent réciproquement de mondes à d’autres peuples, tels que nous, nos chevaux, etc., et que nous, à notre tour, sommes aussi des Mondes à l’égard de certains animaux encore plus petits sans comparaison que nous, comme sont certains vers, des poux, des cirons ; que ceux-ci sont la Terre d’autres plus imperceptibles ; qu’ainsi de même que nous paroissons chacun en particulier un grand Monde à ce petit peuple, peut-être que notre chair, notre sang, nos esprits, ne sont autre chose qu’une tissure de petits animaux qui s’entretiennent, nous prêtent mouvement par le leur, et se laissant aveuglement conduire à notre volonté qui leur sert de cocher, nous conduisent nous-mêmes, et produisent tous ensemble cette action que nous appelons la Vie (100). Car dites-moi, je vous prie, est-il malaisé à croire qu’un pou prenne votre corps pour un Monde, et que quand quelqu’un d’eux voyage depuis l’une de vos oreilles jusqu’à l’autre, ses compagnons disent qu’il a voyagé aux deux bouts de la Terre, ou qu’il a couru de l’un à l’autre Pôle ? Oui, sans doute, ce petit peuple prend votre poil pour les forêts de son pays, les pores pleins de pituite pour des fontaines, les bubes pour des lacs et des étangs, les apostumes pour des mers, les défluxions pour des déluges ; et quand vous vous peignez en devant et en arrière, ils prennent cette agitation pour le flux et le reflux de l’Océan. La démangeaison ne prouve-t-elle pas mon dire ? Le ciron qui la produit, est-ce autre chose qu’un de ces petits animaux qui s’est dépris de la société civile pour s’établir tyran de son pays ? Si vous me demandez d’où vient qu’ils sont plus grands que ces autres imperceptibles, je vous demande pourquoi les éléphans sont plus grands que nous, et les Hiber-