Page:Cyrano de Bergerac - L autre monde ou Les états et empires de la lune et du soleil, nouv éd, 1932.djvu/142

Cette page a été validée par deux contributeurs.

que de s’abandonner à cent autres de plus grande importance. »

Elle ne m’entretint pas cette fois davantage, parce qu’elle craignoit d’être trouvée toute seule avec moi si matin. Ce n’est pas qu’en ce Pays l’impudicité soit un crime ; au contraire, hors les coupables convaincus, tout homme a pouvoir sur toute femme (91), et une femme tout de même pourroit appeler un homme en Justice qui l’auroit refusée. Mais elle ne m’osoit pas fréquenter publiquement à ce qu’elle me dit, à cause que les Prêtres avoient prêché au dernier sacrifice que c’étoient les femmes principalement qui publioient que j’étois homme, afin découvrir sous ce prétexte le désir exécrable qui les brûloit de se mêler aux bêtes, et de commettre avec moi sans vergogne des péchés contre nature. Cela fut cause que je demeurai longtemps sans la voir, ni pas une du sexe.

Cependant il falloit bien que quelqu’un eût réchauffé les querelles de la définition de mon être, car comme je ne songeois plus qu’à mourir en ma cage, on me vint quérir encore une fois pour me donner audience. Je fus donc interrogé, en présence d’un grand nombre de Courtisans sur quelques points de Physique, et mes réponses, à ce que je crois, ne satisfirent aucunement, car celui qui présidoit m’exposa fort au long ses opinions sur la structure du Monde ; elles me semblèrent ingénieuses ; et sans qu’il passa jusqu’à son origine qu’il soutenoit éternelle, j’eusse trouvé sa Philosophie beaucoup plus raisonnable que la nôtre. Mais sitôt que je l’entendis soutenir une rêverie si contraire à ce que la Foi nous apprend, je lui demandai ce qu’il pourroit répondre à l’autorité de Moïse et que ce grand Patriarche avoit dit expressément que Dieu l’avoit créé en six jours. Cet ignorant ne fit que rire au lieu de me répondre ; ce qui m’obligea de lui dire